Vous êtes de plus en plus de parents à me demander mon avis d’ostéopathe sur le portage et l’utilisation de certains matériels de puériculture. Pour répondre au mieux à ces questions je pense qu’il est essentiel d’être en premier lieu sensibilisé au concept de « motricité libre » car il est en lien avec tout ce qui concerne le développement des tout-petits.
La motricité libre, qu’est-ce que c’est?
Le concept de motricité libre a été développé il y a une cinquantaine d’années par une pédiatre hongroise Emi Pikler. Grâce à son expérience en tant que pédiatre et mère de famille, elle s’est rendue compte que lorsque l’on laisse un enfant se mouvoir librement sans contraintes, il acquiert son développement moteur naturellement, dans un ordre précis mais à son rythme.
Il s’agit tout simplement d’en faire le moins possible, laisser son bébé bouger librement et à son rythme tout en le sécurisant bien sûr.
Un environnement adapté et sécurisant
- L’espace dans lequel est placé l’enfant doit être suffisamment grand pour qu’il soit libre de ses mouvements mais pas trop non plus pour qu’il se sente rassuré.
- Idéalement la surface doit être ni trop dure (qui ne serait pas confortable), ni trop molle (pour ne pas gêner sa mobilité).
- Des jouets adaptés à son âge doivent être placés autour de lui afin d’attiser sa curiosité.
- Ses vêtements doivent être confortables, pas trop serrés pour ne pas gêner sa mobilité. Si la saison le permet laissez votre enfant pieds-nus ou sinon avec des chaussettes/chaussons souples.
Une relation tendre et harmonieuse est bien évidemment nécessaire entre l’enfant et les adultes responsables de lui, car motricité libre ne signifie pas « ne pas s’occuper de », mais c’est un accompagnement bienveillant du développement du tout-petit.
Comment mettre en pratique ?
Pour les premiers mois de vie un simple tapis suffit. Le bébé va pouvoir expérimenter tout seul de tourner la tête, bouger ses bras, ses jambes, attraper ses pieds puis pivoter pour attraper des objets. Placez- le sur le dos car c’est une position qui ne demande aucun effort à son corps mais qui lui permet d’interagir avec son environnement.
Normalement il faudrait attendre que l’enfant se retourne seul sur le ventre avant de le mettre dans cette position. Mais elle présente de nombreux avantages surtout en prévention de la plagiocéphalie (aplatissement du crâne par pression prolongée sur celui-ci). En effet, sur le ventre l’enfant va chercher à relever sa tête et son torse ce qui renforce la chaîne musculaire postérieure au niveau du dos.
Vous pouvez donc commencer à le mettre dans cette position dès les premiers mois de vie. Au départ lors des périodes de change pour boutonner le pyjama par exemple. Puis petit à petit vous pourrez l’y placer sur son tapis lors des périodes d’éveil, toujours sous votre surveillance bien entendu. Pour cela ne le retournez pas comme « une crêpe » mais faites le plutôt rouler sur le ventre à partir de la position sur le dos en veillant par la suite à dégager ses bras et son visage. Soyez attentifs à ne pas le laisser se fatiguer puis faites le rouler de nouveau sur le dos.
Petit à petit l’enfant va apprendre à se retourner tout seul, à ramper (différents styles sont possibles ;)) puis à marcher à quatre pattes. A partir de cette position il pourra pousser sur ses bras pour s’asseoir. Il pourra donc passer de l’une à l’autre de lui même sans se trouver « bloqué » dans une position imposée par les adultes.
Enfin, l’enfant va tenter de se lever en se hissant aux meubles de la maison. Il passera de meuble en meuble en se lâchant de plus en plus. Il finira par se tenir seul debout et tenter l’expérience de la marche sans qu’on ait besoin d’intervenir.
Ce qu’il faudrait éviter
L’utilisation trop fréquente de matériel de puériculture tel que:
- Transat ou cosy qui maintiennent le bébé dans une position semi-assise artificielle qu’il n’a pas acquis par lui-même.
- Coussin cale-bébé ou anti tête plate qui gênent la bonne mobilité de la tête et du corps dans toutes les dimensions.
- Trotteur et youpala qui peuvent même être néfastes pour l’acquisition de la marche. Tout d’abord l’enfant est placé debout alors que c’est une position qu’il n’a pas encore acquis par lui-même. Il a tendance à être suspendu sous les parties génitales ce qui n’apporte pas un bon appui des pieds sur le sol. L’enfant aura tendance à pousser avec la pointe des pieds pour avancer ce qui plus tard pourra également donner une marche sur la pointe. Enfin les roues empêchent la gestion de l’équilibre nécessaire au basculement d’un pied sur l’autre lors de la marche.
- Porte-bébé non physiologique où l’enfant est suspendu sous les parties génitales, le dos droit ce qui demande un travail trop important à sa musculature qui n’est pas encore mature. Voir l’article au sujet du portage physiologique.
Le positionnement trop fréquent dans une posture que l’enfant n’a pas acquis par lui-même:
- Le mettre assis calé par des coussins tant qu’il ne peut le faire seul et se sortir de cette position. L’enfant se retrouve « bloqué » au niveau du bassin et des membres inférieurs, et il ne peut se servir que de ses membres supérieurs. Cela peut créer des tensions corporelles voire ralentir l’apprentissage de son schéma corporel.
- Le faire tenir debout même s’il pousse sur ses jambes, tant qu’il n’a pas appris à se hisser par lui-même.
- L’aider à marcher en lui tenant les mains, les bras en l’air. De préférence laissez-le se déplacer de meuble en meuble et s’il vous sollicite vraiment essayez de vous baisser à sa hauteur et de le tenir sous les aisselles. Marcher les bras en l’air diminue l’appui des pieds sur le sol, ce qui peut favoriser une marche sur la pointe.
Les avantages de la motricité libre
La motricité libre permet à l’enfant une plus grande aisance corporelle et une acquisition de chaque étape du développement à son rythme. Il se sent capable d’expérimenter différentes façons de faire par lui-même ce qui renforce sa confiance en lui. Il peut plus facilement prendre conscience des risques et donc de ses capacités et incapacités. Cela amène une plus grande prudence.
D’un point de vue plus médical la motricité libre diminue le risque de plagiocéphalie et/ou ses symptômes quand elle est mise en place avant l’âge de 3 mois. En étant libre de ses mouvements l’enfant expérimente différentes positions ce qui renforce la musculature de son cou, son dos, ses épaules. Cela lui permet de ne pas toujours reposer dans la même position (et surtout de ne pas avoir toujours la tête tournée du même côté). Au delà de l’aspect esthétique, la plagiocéphalie peut entraîner des retards moteurs, des scolioses et des troubles ophtalmologiques, il est donc primordial de la prévenir.
Si le bébé a l’habitude d’être positionné sur le ventre lors des phases d’éveil cela renforce ses capacités à relever la tête. Lors des premiers retournements il sera plus à même de dégager son nez et sa respiration.
Lien entre motricité libre et ostéopathie
Ostéopathie et motricité libre sont interdépendantes. En effet, un bébé qui évolue selon les principes de motricité libre aura certainement moins besoin de séances d’ostéopathie. Toutefois, si vous remarquez une asymétrie dans son développement moteur, une « mauvaise » posture ou si les conditions de l’accouchement et de la grossesse ont été compliquées, n’hésitez pas à amener votre enfant chez l’ostéopathe.
De plus, après une séance d’ostéopathie, les bienfaits peuvent être décuplés si votre bébé évolue en motricité libre. Prenons l’exemple d’un torticolis ou d’une rotation de tête privilégiée. Si votre enfant est libre de tourner la tête dans les deux sens il va pouvoir muscler son cou, bouger ses membres de manière symétrique ce qui participera à l’amélioration de ses symptômes. Au contraire, si au retour à la maison il est maintenu dans un transat ou un cosy, ses mouvements seront plus limités et les bénéfices de la séance d’ostéopathie seront moindres.
En définitive essayez de laisser votre enfant expérimenter au maximum par lui-même et n’hésitez pas à contacter votre ostéopathe à Muret si vous souhaitez d’autres conseils.